Construction navale au Québec: le gouvernement fédéral doit assumer ses responsabilités
Il ne s’agit pas de construire un second navire à seule fin de préserver 800 emplois à Lévis : navire commercial converti en 16 mois, l’Asterix remplace, sur une base intérimaire, un des deux ravitailleurs que la marine canadienne a mis hors service, en attendant que deux ravitailleurs entièrement neufs sortent du chantier de Seaspan, en Colombie-Britannique, au plus tôt en 2021. Or, tous les experts militaires s’accordent pour dire qu’il faudrait rapidement une autre solution-relais en attendant la sortie du deuxième ravitailleur du chantier Seaspan. Deux ravitailleurs sont nécessaires pour assurer la sécurité et la flexibilité de l’approvisionnement des navires militaires en mer.
Que comprendre de l’apparente incohérence du gouvernement du Canada?
«La stratégie nationale de construction navale [SNCN] a ramené à sa juste taille le nombre de grands chantiers navals requis au Canada et a apporté une nécessaire sécurité à une industrie trop longtemps soumise à des mises à pied généralisées.» C’est en ces termes satisfaits que le président du chantier maritime néo-écossais Irving Shipbuilding, Kevin McCoy, commentait l’absence de Davie de la SNCN dans les pages d’un quotidien de Halifax le vendredi 24 novembre dernier. Ainsi, grâce à la SNCN, on aurait sacrifié Davie à la sécurité des emplois dans les chantiers maritimes de Nouvelle-Écosse et de Colombie-Britannique. Venant d’un acteur majeur de l’industrie canadienne de la construction navale, cette affirmation a de quoi soulever des doutes quant à la volonté du gouvernement fédéral de faire en sorte que le Québec reçoive sa juste part des contrats fédéraux.
En vérité, le Canada a plus que jamais besoin de trois chantiers maritimes d’envergure, et ce, au moins jusqu’en 2030. Comme il a aussi besoin de chantiers maritimes de moins grande taille, mais aussi performants, pour réaliser ses nombreux projets de construction, de rénovation et de réparation navales. Au cours des 13 prochaines années, le Canada devra construire ou rénover entre 40 et 45 navires, grands et moins grands, pour un montant total d’environ 12 milliards $ – ça, c’est en plus des navires de combat construits par Irving à Halifax au coût de 25 milliards $, et des autres navires construits pour la Marine et la Garde côtière canadiennes au coût de 8 milliards $, par le chantier Seaspan en Colombie-Britannique. Les Davie, Méridien Maritime, Groupe Océan et autres Verreault Navigation peuvent être largement occupés pendant une bonne douzaine d’années dans le cadre de cette stratégie nationale.
Pour cela, toutefois, il faut que la Marine et la Garde côtière du Canada gèrent leur octroi de contrats de façon équitable. Pour l’avenir prévisible, la Marine et la Garde côtière canadiennes seront, et de loin, les plus importants donneurs d’ouvrage pour l’industrie canadienne de construction navale. Ce statut entraîne pour elles la responsabilité de se soucier de l’impact de leurs décisions sur l’emploi et les retombées économiques régionales de leurs décisions.
Avec le chantier Asterix, Davie et ses employés ont parfaitement démontré leur capacité de réaliser des projets d’envergure en respectant les échéanciers et les budgets. Les autres chantiers maritimes du Québec démontrent également, projet après projet, leur capacité de rivaliser avec les meilleurs : leur savoir-faire, la qualité de leur travail et la rigueur de leur gestion en témoignent. Il serait anormal, et même incompréhensible que les chantiers maritimes québécois, toutes tailles confondues, soient privés de leur juste part des nombreux projets du gouvernement du Canada. La construction navale québécoise a besoin, elle aussi, d’un minimum de cette «nécessaire sécurité» souhaitée et obtenue par le président d’Irving Shipbuilding.